By Dave Gardner

Abstract

Kristen Stern taught a French course in autobiographical writing in Spring 2022, the semester I graduated. We read and discussed and wrote about selected autobiographical works from Francophone authors from a very wide range of style and content. One of them plowed straight into and through me like a freight train - an excerpt from Pays sans chapeau by Dany Laferrière. It was an autobiographical novel, a previously unrecognized (to me) genre which exists in the nebulous space between not totally real and not totally made up, and demanded that I ask unanswerable questions (with Kristen Stern’s guidance) about why and how any author would choose this structure. It was absolutely everything I love in art; it was vibrant and surreal and ephemeral. It made me rethink everything I knew about the relationship between art and artist and audience and brought me both closer to and further away from that understanding. It was a perfect distillation of the contradiction of the human experience that was so rich and smooth that I could’ve drizzled it over pancakes.

When I took this class and read this excerpt, I had been working full time as a paramedic for 11 years. Kristen Stern offered us the choice in our final paper to write either a criticism of one of the works we had read, or write a chapter of our own autobiography. The choice for me was laughably easy after reading even just a short part of Pays sans chapeau, which spoke to me so clearly and directly. I wrote about two of the most intense memories of mine from the first wave of COVID. I was inspired by its style, which is so close to my own sensibilities, and it gave me a framework to express something I felt totally unable to do otherwise. Reading even just a short part of that book, and using it to express something so intimate and powerful was an absolutely unforgettable experience. I would be remiss in this very lengthy introduction to not recognize that Kristen Stern is directly responsible for not only the small catharsis I was able to achieve, but also the fundamental change in my understanding of art as a whole.

CW: In the last week of February 2020, my wife and I were returning from a Habitat for Humanity build in Vietnam, where we spent the last few days of our trip watching the global case count rise and very nearly not being able to get out of the country. Connecting flights through China were all canceled, and connecting flights through Korea were rapidly evaporating. We arrived home to the single most disorienting experience of my life, which provided me with new and novel horrors on a consistent basis for what felt like an eternity. The memories I chose were profoundly upsetting to both live through and write about, and focus almost exclusively on illness and death.

C’est le 2 mars 2020. Nous sommes à l'aéroport de Séoul. Ma femme et moi sommes les seules personnes sans masque. Je me demande si ce sera comme ça chez moi.

C’est le 3 mars 2020. Nous atterrissons à Atlanta. Personne ne vérifie notre température.

C’est le 5 mars 2020. Ma femme commence à tousser.



C’est le 18 mars 2020. C'est mon premier jour de retour au travail. Je ne reconnais pas cet endroit. Nous sommes tous confinés dans nos quartiers individuels. Quelque agence gouvernementale nous a déposé plusieurs palettes d'EPI . Ce système de 911, notoirement actif, s'est presque totalement enrayé. Tout le monde a peur d'aller à l'hôpital. Les heures passent sans aucun bruit. Le silence est oppressif. Du coup, les tonalités sonnent. C'est un code 99, le surnom spécial pour un patient COVID+. C'est le premier cas dans la ville de Marlboro. Je ne me souviens pas du voyage jusqu'à l'immeuble. Nous arrivons et trouvons la compagnie des moteurs qui propose de venir avec nous, en défiant de leur protocole nouvellement modifié, mais nous refusons de les exposer inutilement. Je mets une blouse en plastique. Elle est trop courte. Je mets un masque N95. Il est trop petit et ne scelle pas à mon visage.

Entrer dans l'appartement est comme plonger dans un abîme. Je sens un poids énorme presser sur moi. Les lumières sont allumées mais je suis plongé dans les ténèbres. Il n'est éclairé que par ma propre terreur rayonnante ; tout est dans l'ombre, sauf le cadavre vivant assis sur le canapé en face de moi. Je le vois avec une clarté terrible. Il fait se balancer sur son siège. Ses yeux sont en verre. Avec chaque respiration, sa poitrine se soulève avec un bruit de ferraille humide ; je peux l'entendre se noyer. Ses mains et ses pieds sont d'un violet foncé ; juste sous ses coudes et ses genoux, il y a des démarcations annulaires presque parfaites où l’on peut voir sa chair en train de mourir progressivement. Je perds l’impression du temps. Je le sens se détendre et se déformer. Le monde tourne trop vite autour de moi, mais je suis en plomb. Sa femme parle, mais sa voix est étouffée, comme si elle est sous l'eau. Je suis sous l'eau. Je fais bouillir dans mon EPI. Elle dit qu'il est diabétique et qu'il a une maladie cardiaque. Je peux voir qu’il a été donné une peine de mort. Je suis incapable de la rassurer comme je le fais habituellement lorsque le pronostic est sombre, alors je ne dis rien. Nous l'installons sur la chaise que nous utilisons pour transporter les gens hors de leurs maisons. Il est énorme, et il y a si peu d'oxygène dans son cerveau qu'il est confus et incapable de coopérer. Il se bat sur la chaise. Je m’efforce de le maintenir en équilibre et à la verticale sur l'escalier, et le N95 glisse de mon menton, remontant sur mon visage. Je ne peux pas le poser. Il ne peut pas arrêter de bouger. Je déglutis et j'halète et j'aspire l'air frais dans mes poumons. Je suis assez proche pour goûter à quel point il est malade.

Nous sommes dehors. Les pompiers, de 30 mètres au loin, nous demandent si nous avons besoin d'aide. Nous leur crions de rester loin de nous. Nous chargeons le patient dans l’ambulance. Il a besoin d'un traitement agressif et immédiat, mais nos protocoles ont changé cette semaine pour nous permettre d'utiliser des niveaux de discrétion sans précédent dans notre traitement, et de renoncer à tout ce que nous jugeons nécessaire pour assurer notre propre sécurité. Je veux lui donner de l'épinéphrine en intramusculaire. Ma partenaire, qui est notoirement paresseuse et que je ne supporte pas, dit qu'elle ne va rien faire. Je ne me dispute pas. Je me souviens du voyage jusqu'à l'hôpital. Mes mains tremblaient.

Il est mort 8 jours plus tard. J'ai été surpris qu'il ait tenu aussi longtemps.



1Équipement de protection individuelle (N95 masks, surgical masks, and full-body sealed Tyvek suits).



Mon patient COVID+ me dit que son assurance ne couvrira pas une visite aux urgences à l'hôpital le plus proche parce qu'il est hors de réseau, et qu'il a besoin d’aller à Framingham. Je l'emmène à Framingham.

Ma femme et moi promenons nos chiens. Le centre-ville normalement peuplé dans lequel nous vivons est vide. Je pense au silence de la neige des nuits d'hiver. Ce silence est différent.

Je fais mes devoirs au travail. L'autre ambulance de service s'éloigne d'une résidence après avoir travaillé un autre arrêt cardiaque. Nos protocoles ont encore changé, et nous ne transportons qu'une fraction de ces patients à l'hôpital. J'étudie le subjonctif.



C’est le 27 mars. Ma femme et moi venons d'emmener Toki et Ludo en promenade dans les bois. Nous avons besoin d’emprunter des sentiers moins connus, car les autres que nous prenons d’habitude sont tous trop fréquentés. Nous les promenons sans laisse, pour les laisser aussi libres que possible, ils viennent quand nous les appelons, mais ils sont autorisés autrement à se promener, à y traîner et à enquêter comme il leur plaît. Toki mène au premier rang, tandis que Ludo traîne derrière. C'est notre seule notre fuite de la réalité. Ici, nous sommes capables d'oublier que nous vivons à l'ombre d'un raz-de-marée. Nous apercevons la voiture de ma femme et nous prenons tranquillement le chemin du retour. Je me souviens que je dois rappeler mon meilleur ami Allyn. Ces derniers temps, je me sens désespéré et je dois m'assurer de garder le contact avec lui. J'entends Natalie crier à Ludo de s'arrêter! Fais pas! alors qu'il sprint vers quelque chose au bord du chemin. Je me retourne pour le voir engloutit goulûment quelque chose sur le sol, et comme nous voyons tous les deux le papier toilette collé à ce qu'il mangeait, j'entends Natalie commencer à faire un bâillon sec. Ludo sourit en se régalant d'une merde que quelqu'un avait pris dans les bois. Il ne pourrait pas être plus satisfait avec lui-même. Natalie le traîne vers le parking alors qu'il se bat désespérément pour retrouver son trésor. Elle rit et a des haut-le-coeurs au même temps. C'est l'une des choses les plus drôles que j'ai jamais vues.

C’est le 30 mars. Nous avons été tous les deux au travail tout le week-end. Nous nous réveillons comme d'habitude, et Ludo reste au lit comme d'habitude. Je fais du café quand j'entends Natalie m'appeler dans la chambre. Ludo halète et ne peut ou ne veut pas se lever. Elle le prend dans ses bras et le place sur l'un des lits pour chiens sur le sol. Le vétérinaire nous demande de l'amener immédiatement. Je le prends dans mes bras, le transformant en un burrito avec son lit. Il déteste quand quelqu'un d'autre que Natalie le porte. Il ne réagit pas.

Je sais du langage corporel du vétérinaire qu'il a des mauvaises nouvelles. Je peux voir à quel point il est raide. Je peux entendre le profond soupir qu'il a poussé avant de sortir du bâtiment et de marcher vers notre voiture. Ludo a une tumeur si grosse qu'elle fait pression sur son cœur et ses poumons. Le reste de son corps est également atteint par le cancer. Le vétérinaire dit que nous pouvons le mettre à l'aise ou l'endormir. Il dit qu'il reviendra dans quelques minutes pour nous laisser décider.

Ludo a été le premier chien de Natalie. Il avait 7 ans quand elle l'a adopté après avoir été abandonné par deux autres foyers. Il était désespérément attaché à elle. Il lui a donné une importance à une période sombre de sa vie, et son amour pour lui lui a appris à s'aimer elle-même. Il a 14 ans maintenant. Je ne l'ai jamais vue comme ça. Elle a été réduite à la ruine. Elle me demande ce que faire. Nous le savons tous les deux, mais je pense qu'elle a besoin que je le dise.

Le vétérinaire nous laisse entrer, malgré les protocoles stricts en place à la clinique. Ludo déteste le vétérinaire et doit être muselé lorsqu'il entre chez lui. Il ne réagit à rien. Il est juste haletant, les yeux écarquillés. Il accroche à Natalie quand elle entre. Le vétérinaire nous dit qu'il va lui donner un tranquillisant avant de l'euthanasier, afin de le calmer et de nous laisser quelques derniers instants. Il arrête de haleter dès qu’il fait effet, presque comme si tout allait bien pour lui. Natalie demande si nous devons vraiment le faire. Nous le faisons.

Nous partageons quelques souvenirs de lui. Nous lui disons qu'il est un bon petit. Il commence à être fatigué.

Le vétérinaire revient. Je regarde la seringue pendant Ludo se fait vacciner. Je regarde le piston s'enfoncer. Il est parti avant la fin de l'injection.

Cet après-midi-là, je me rends compte que je n'avais encore vérifié le nombre de cas ce jour-là. Nous étions tellement occupés par être en deuil pour Ludo que nous avions oublié ce qui se passait. Je retire mon téléphone.



J'attends que mon médecin m'appelle pour me communiquer les résultats du test COVID. Je prends une bouchée de mon petit-déjeuner et je m'aperçois que je suis incapable de goûter. Je marque un pénis dans la pâte que je façonne. Le téléphone sonne.

Je suis assis sur le canapé caressant mon chien. Je fais une crise de panique.

Ma femme et moi promenons Toki. Je me retourne pour chercher Ludo. Il n'est pas là.

Biographical Statement - Dave Gardner

I'm Dave Gardner, and I graduated in 2022 with a bachelor's in French. I was an adult student, and had been working as an Emergency Medical Technician (EMT) and then paramedic since 2007. I've been accepted into the University of New England's Physician Assistant program, starting in May 2023. My academic journey has been a little off the beaten path, with a degree in the humanities but pursuing a scientifically based graduate degree. I liked the idea of doing a little bit of everything—the classic combination of French and organic chemistry. UMass Lowell (UML) allowed me to follow more than one passion, and I'm grateful to have had the opportunity to share some of it with you.