L’histoire de France est entachée par l’horreur de la colonisation. Les effets de la colonisation influencent encore les anciennes colonies, et les territoires de France. La logique derrière la colonisation venait de la croyance que la culture et les valeurs françaises étaient intrinsèquement supérieurs aux autres cultures. Quand les Français arrivaient dans les autres pays, ils pensaient que les cultures indigènes ou locales étaient semblables à la sauvagerie. La mission civilisatrice est née des croyances en la supériorité de la France. Cette mission civilisatrice était divisée en trois parties : éduquer, civiliser, pacifier. Afin de “civiliser” les colonisés, les Français voulaient les conquérir, les éduquer, et les évangéliser. En effet, la mission effaçait les cultures locales et les identités des colonisés (“la mission civilisatrice”). En parlant de “l'époque coloniale” de la France, il faut se souvenir qu’il y a eu deux espaces coloniaux. Les premiers espaces étaient pendant le 17ème jusqu’au 19ième siècle dans les Antilles et L'Amérique du Nord. Les deuxièmes espaces coloniaux étaient l’Asie et l’Afrique entre 1815 et 1962 (“New France”). La “fin” du colonialisme a eu lieu pendant les années soixante, avec la fin de la guerre d’Algérie en 1962. Maintenant, nous sommes dans la période postcoloniale. Cependant, la colonisation n’a pas vraiment cessé, parce que la France a encore les “départements d’outre-mer”, et les “territoires d’outre-mer” aussi appelés les «DOM-TOM (“Les territoires”). Les anciennes colonies sont catégorisées comme francophones, parce qu’il reste des vestiges de la culture et de la présence française (“définition et présentation du monde francophone”). La culture française et les cultures indigènes sont entremêlées, donc il y a toujours le rappel du colon.
À cause de l’histoire coloniale, il y a une grande blessure dans l’histoire des anciennes colonies et des DOM-TOM. Quand un pays est colonisé, il y a une perte d’autonomie politique, et une perte de l’identité propre collectivement. Il n’est pas possible que les pays puissent faire des progrès sous le joug des colons. Comment est-il possible pour ces pays d’accepter le passé ? Comment est-ce que ces sociétés peuvent guérir ? Ces questions sont souvent explorées dans la littérature francophone. Après la colonisation, pour les anciennes colonies, il fallait reprendre l’autonomie et il fallait retrouver les racines qui avaient été abîmées par le colon. Dans la littérature francophone, on peut voir la tentative d’enracinement et d’acceptation du passé colonial. Dans ce genre de littérature, les auteurs choisissent d’écrire en français. C’est un choix intéressant en pensant à l'histoire coloniale traumatique et violente. Cependant, ce choix est une tentative de se réapproprier la langue du colonisateur. Mais il y a des questions qui restent, comme, comment est-ce que les Francophones utilisent la langue et la littérature afin d’exprimer leurs propres identités diverses ? C’est une question qui a besoin d’exploration.
Bien que les identités des gens et des cultures francophones soient très vastes, il y a des similarités à travers de littérature francophone. Afin d’exemplifier cette notion, il faut comparer et contraster les romans écrits par des auteurs francophones originaires de pays différents. Comme exemples, j’ai choisi Ru (2012) par Kim Thúy qui est canadienne, Texaco (1992) par Patrick Chamoiseau qui est martiniquais, et L’enfant de sable ( 1985) par Tahar Ben Jelloun qui est marocain. Les sujets et les histoires qui sont présents dans ces romans sont très différents. Cependant il y a des éléments similaires dans les structures. Ceci dit, il faut comprendre les variétés identitaires. Dans ces trois romans il y a des variétés géographiques, des variétés dans les structures narratives, et des variétés dans les voix narratives.
Le roman Ru par Kim Thúy est une œuvre qui exprime beaucoup d’aspects de l'expérience d'être un migrant. Kim Thúy, née Nguyễn An Tịnh, a dû échapper au régime communiste au Vietnam quand elle avait dix ans. Ce roman ne consiste pas en une histoire linéaire, en fait l’histoire consiste en des réflexions de Thúy. Ce roman est une collection d’histoires de sa jeunesse à Saigon, du régime communiste, de la fuite, de sa jeunesse à Québec, de son identité mixte, et de son retour au Vietnam comme adulte. Aussi, elle raconte les histoires des autres Vietnamiens qui souffraient pendant le régime communiste et pendant la guerre contre les Etats-Unis. Il est important que Thúy présente les histoires d’autres gens, parce qu’elle donne une voix aux gens qui en manquent. Cette absence de linéarité montre la réalité fragmentée de ce que cela veut dire que d’être un migrant. Avec des voix polyphoniques, Thúy a essayé de créer un sens de violence et de chaos que les réfugiés vietnamiens ont vécu (James, 48-52). Bien qu’il y ait d’autres petites histoires qui soient mélangées dans les histoires de Thúy, il y a une histoire linéaire qui est cachée.
Afin de comprendre la vraie chronologie, il faut un peu reconstruire et réorganiser le roman. Bien que le texte soit présenté d’une façon éclatée, on peut reconstituer des sections du roman chronologiquement. La première section consiste en sa jeunesse à Saigon, (en réalité, Thúy nous présente sa jeunesse par des retours en arrière). Avant le régime communiste, elle vivait une vie assez luxueuse dans une famille qui était assez riche. Pendant le roman, elle présente des aspects de la culture vietnamienne, sa famille, et les souvenirs positifs et négatifs de sa jeunesse au Vietnam. Après que le régime communiste s’est installé, sa vie luxurieuse a changé rapidement. A ce point, sa famille a été persécutée par des soldats et des agents militaires communistes. Ce qui est encore pire est la violence dont elle a été témoin. Les champs au Vietnam sont gorgés de sang, et sa famille a eu s’en échapper.
Cet exil du Vietnam commence la partie chronologique suivante. Thúy et sa famille ont échappé du Vietnam par bateau jusqu’en Malaisie. Heureusement, ils ont réussi. Les journées que Thúy a passées dans ce camp de réfugiés étaient extrêmement dures. Il y avait trop de gens, et le camp était envahi de mouches et d’eaux usées. Par chance, Thúy et sa famille sont arrivés à Montréal. C’était très difficile pour eux de s’ajuster à la culture canadienne. En premier, Thúy ne connaissait pas un mot de français. Grâce aux écoles canadiennes, elle a pu recevoir une très bonne éducation. Dans la troisième section chronologiquement, Thúy est retournée au Vietnam comme adulte. Aussi elle réfléchit à la maternité et au mariage. Au Vietnam, elle s’est rendu compte que son identité était différente. Elle est vietnamienne mais aussi canadienne. Quand elle est au Vietnam, le Canada lui manque. Mais pour la plupart de sa vie, elle se sentait vide d’être éloignée de sa culture vietnamienne. Ses sentiments sont une expérience commune pour des réfugiés et des immigrés. Ru est donc un roman important dans le genre littéraire qui se focalise sur les réfugiés, les immigrés, et la littérature de l’exil.
Texaco, par Patrick Chamoiseau, présente l’histoire de Marie-Sophie, une femme martiniquaise, qui a créé le quartier de Texaco. Bien que le quartier de Texaco soit un bidonville, cette ville est un refuge pour échapper aux Békés qui habitent “En-Ville.” L’En-Ville, ou la ville principale dans le quartier, représente les Français, l’urbanisme, et l’assimilation. Marie-Sophie raconte l’histoire de la Martinique jusqu’aux années quatre-vingt, l’histoire de son père qui était un esclave affranchi, et puis les événements de sa vie aussi. L’histoire commence avec l’arrivée d’un urbaniste, qui est nommé Christ, et qui avait l’intention de raser Texaco parce que ce quartier était considéré comme insalubre. À la fin du roman, Christ est le sauveur de Texaco. Il apprend l’histoire de Marie-Sophie et il comprend l’importance du quartier. Il se rend compte que Texaco incarne la culture créole. À travers le roman, Chamoiseau incorpore la créolité antillaise. Il mélange l'oralité et l'écriture parce que l’écriture imite l’oralité. La créolisation du texte s’oppose au discours colonial. La mission civilisatrice a établi une hiérarchie des langues, parce que la langue française a été établie comme la langue supérieure. Texaco légitime la langue créole en l’utilisant au même titre que le français. De plus, ce roman contient des éléments de l’histoire de la Martinique, donc Texaco immortalise la mémoire collective. En somme, ce roman illumine la brillance de la culture martiniquaise. La fierté d'être créole s’oppose au discours du colonisateur.
Enfin le troisième texte, par Tahar Ben Jelloun, s’intitule L’enfant de sable. Ce roman raconte l’histoire d’un personnage marocain qui s’appelle Ahmed. Son histoire est racontée par un conteur, qui prétend qu’il a eu le cahier d’Ahmed. La structure de ce roman est semblable à celle des Contes desmille et une nuits, donc chaque chapitre est raconté pendant des jours différents. (“The One Thousand and One Nights”). Dans L’enfant de sable, le conteur a disparu. Quand il a disparu, les quatre autres personnes ont tenté de continuer l'histoire. Quelques-uns prétendent connaitre Ahmed, et une personne prétend même être Ahmed. À la fin, le conteur revient et il dit que les mots sur le cahier ont disparu et que l’on ne saura jamais la véritable fin de l’histoire.
À la naissance, Ahmed était une fille. Malheureusement, ceci cause la désolation de son père qui avait eu sept autres filles. Désespéré, le père a décidé d’élever Ahmed comme un garçon, en dépit de son genre biologique. Quand Ahmed est né, les seules personnes qui savaient la vérité étaient sa mère, son père, et leur sage-femme (Jelloun, 15-28). Pendant sa jeunesse, Ahmed pensait qu’il était un garçon (Jelloun, 29-40). Cependant, quand il a commencé la puberté, il s’est rendu compte que son sexe était féminin. Bien qu’Ahmed sache la vérité, il a décidé d’être un homme parce qu’il pouvait ainsi avoir les privilèges de la masculinité dans la société marocaine (Jelloun, 41-48). Cependant, son genre est resté un point de confusion pour Ahmed. Il ne se sentait ni femme, ni homme. Quand il est devenu adulte, il a décidé de se marier avec sa cousine, qui s’appelait Fatima. Fatima était malade et faible parce qu’elle était épileptique. En se mariant avec Fatima, Ahmed a tenté de montrer sa masculinité. Il voulait se sentir fort. Après, la mort de Fatima, Ahmed a habité seul. Il se sentait comme s’il n’était de nulle part, ou n’appartenait à personne. Le seul endroit où Ahmed pouvait s’exprimer était dans son cahier et dans les lettres qu’il envoyait à une personne anonyme (Jelloun, 49-110). Après des années de confusion et de solitude, Ahmed a découvert sa sexualité féminine. Il a aussi décidé que son destin serait celui de l’errance. Ahmed a quitté sa maison, et il a rejoint un cirque. La question de son genre intéressait les chefs du cirque, et Ahmed est devenu une partie du cirque, et elle a changé son nom en Zahra. (Jelloun, 111-134). Après le chapitre avec le cirque, le conteur a disparu, donc les autres gens théorisent sur des événements de la vie de Zahra. Un homme, Salem, dit que Zahra a été violée plusieurs fois par un acteur dans le cirque, et qu’elle s’est suicidée. Un autre homme, Amar, dit que Zahra est redevenue Ahmed et qu’il est mort dans la solitude. Une femme, Fatouma, dit qu’elle est Zahra mais qu’elle a perdu la mémoire. Après que les trois orateurs ont partagé leurs histoires, un autre homme est apparu. C’est un troubadour aveugle qui admet avoir inventé les histoires et les personnages. Il dit qu’il a rencontré Zahra en Argentine et qu’elle lui a révélé sa vie, et qu’elle lui a donné des objets qui représentaient sa vie. Le troubadour est venu au Maroc afin d’honorer la mémoire de cette femme. Après l’histoire du troubadour, le conteur revient et dit que les mots du cahier ont disparu, et que donc, nous ne saurons jamais la véritable histoire de Zahra/Ahmed (Jelloun, 135-209).
Comme on peut le voir, il y a beaucoup de variété identitaire dans ces trois romans. Cependant, toutes les sociétés représentées ont été marquées par le colonialisme, qui est un aspect important de la littérature francophone. Ceci dit, il y a une grande différence géographique dans ces romans. Ru, se passe au Vietnam pendant le régime communiste. Avant 1954, le Vietnam faisait partie de l’Indochine. Mais, entre 1946 et 1954 il a eu une guerre entre la France et l’Indochine. Après cette guerre, l’Indochine a gagné son indépendance et trois nations sont nées : le Vietnam, le Cambodge, et le Laos (“First Indochina War”). Aussi, Ru se passe en Malaisie et au Canada. Texaco se passe en Martinique au temps de l’esclavage jusqu’aux années 1980. L’histoire de la Martinique est vraiment différente de l’histoire du Vietnam. La Martinique n’a jamais gagné son indépendance parce que la Martinique est toujours colonisée: c’est un département d’outre-mer, donc elle fait partie de la France (Martinique). L’enfant de sable se passe au Maroc pendant l’époque coloniale. L’histoire coloniale au Maroc est différente des histoires coloniales du Vietnam et de la Martinique parce que le Maroc a gagné son indépendance, mais de façon pacifique (“Morocco”). Il est important qu’on comprenne les différences géographiques et historiques entre ces romans, afin de vraiment comprendre les thèmes et les significations qu’ils abordent.
Comme on peut le deviner par les résumés de ces romans, il y a beaucoup de variétés dans les formes littéraires. Ru a la forme d’un journal intime ou d’un témoignage, parce que Ru raconte les expériences et les sentiments personnels de Thúy. L’auteur est la narratrice. C’est comme un monologue intérieur. Aussi, elle raconte sa propre histoire qui est linéaire, mais elle incorpore les expériences d’autres personnes vietnamiennes. Comme Ru, Texaco est raconté à la première personne. Dans Texaco, il y a une narratrice qui raconte les histoires de plusieurs personnages. C’est l’auteur qui compile l’histoire de la narratrice. Aussi, Texaco est comme une parabole religieuse avec le personnage de Christ, parce qu’il est le sauveur de Texaco(Chamoiseau, 483-488). En plus, chaque section du roman est nommée d’une façon religieuse. Par exemple, la première section est nommée “l’Annonciation.” (Chamoiseau, 19). L’enfant de sable, comme indiqué, est construit comme un conte. Il y a plusieurs conteurs qui racontent une longue histoire qui est faite de petites histoires. Le roman change de la première personne à la troisième personne. À cause de toutes les formes différentes, les romans ne sont pas identiques.
Ce qui suit avec les variétés des formes littéraires entre ces romans sont des voix narratives diverses. Comme nous l’avons dit, dans Ru, l’auteur est la narratrice et Ru est comme un monologue intérieur, en plus d’être une autobiographie. Elle essaie de répandre les histoires de ceux qui souffraient sous le régime communiste à Saigon. Le style narratif de Ru crée un sens de chaos, parce qu’il n’y a pas de la continuité ou de linéarité entre les chapitres. Le roman est composé des vignettes qui ne sont pas liées. Par exemple, dans un chapitre, Thúy raconte les histoires tragiques de femmes qui travaillent dans les rizières (Thúy, 74). Dans le chapitre suivant, elle décrit les sapins de Noël à Montréal (Thúy, 75). Les deux histoires ne s’enchaînent pas. En effet, les histoires sont contraires. Il y a un aspect de fragmentation dans la structure et une polyphonie narrative, bien qu’il n’y ait qu’une seule narratrice.
La voix narrative dans Texaco est basée sur l’oralité. Cela veut dire que le style d’écriture est semblable à une histoire qui est racontée oralement. Un grand aspect de l’oralité dans Texaco est la créolisation du texte. La créolisation a été théorisée par un écrivain qui s’appelle Édouard Glissant ("Créolité."). Il a reconnu la diaspora africaine et combien la diaspora est diverse. En fait, il a rejeté “l’essence africaine.” Selon Glissant, l’identité créole des Antilles est différente de celle des cultures africaines (Badiane, 837-847). Être créole est être un mélange de deux cultures différentes, ou bien de races différentes. Pour cette raison, Glissant soutient que les sociétés caribéennes doivent se réapproprier leur identité créole, afin de rejeter le discours colonial ("Créolité"). Aussi, il croit que le créole doit être écrit afin de la langue soit immortalisée (Glissant, 91-101). Chamoiseau, l’auteur de Texaco, est un écrivain qui continue le mouvement de la créolité dans sa littérature. En fait, Chamoiseau s’oppose à la normativité de la langue française écrite. Dans Texaco, les expressions et les mots du créole antillais sont éparpillés à travers le roman. La créolisation du texte rend le roman difficile à comprendre pour les locuteurs de français standard. C’est-à-dire que ce roman est écrit spécifiquement pour les Martiniquais. En fait, on pourrait penser que ce roman est anticolonial parce que la créolisation du texte sert comme une déclaration de l’identité créole qui est différente de l’identité du colonisateur.
De la même façon que pour Texaco, L’enfant de sable incorpore des éléments de l’oralité dans sa structure et ses voix narratives. La voix narrative de L’enfant de sable est similaire à celle des Mille et une nuits qui est une conte arabe traditionnel, dans lequel les contes sont donc racontés oralement. En dépit du fait que ce roman soit écrit en français, L’enfant de sable ne se conforme pas aux formes littéraires classiques de la littérature française, telles que l’on peut les retrouver chez Balzac ou Hugo par exemple. À cause de la similarité entre les Mille et une nuits et L’enfant de sable, il est clair que le roman est influencé par la culture et les contes arabes (“The One Thousand and One Nights”). Évidemment, les éléments arabes du roman sont mélangés avec la langue française. De plus, il est évident que Jelloun joue avec la langue française, surtout avec le genre. Quand Ahmed questionne son genre, il se décrit lui-même en utilisant les adjectifs avec les terminaisons féminines. On peut voir comment il se sent vis-à-vis de son genre à la façon dont il écrit. Selon Jelloun lui-même, la langue française lui donne une opportunité de jouer avec la langue (Jaggi).
Les différences identitaires entre Ru, Texaco, et L’enfant de sable sont vraiment appréciables. Bien qu’ils soient différents, ces trois livres sont liés. Le Vietnam et le Maroc ont été marqués par le colonialisme, et pareil avec la Martinique qui est encore colonisée. L’élément commun qui vient de la colonisation est le traumatisme. Que veut-dire “traumatisme” exactement ? En psychologie le terme de “traumatisme” est utilisé quand une personne a reçu un impact psychique venu d’un événement très douloureux (Bokanowski). Le traumatisme du colonialisme est collectif. Le discours colonial a été internalisé par les gens colonisés, et l’internalisation du discours colonial existe encore. Ce concept est élucidé dans l’essai de Peau noire, masques blancs, publié en 1952 par Frantz Fanon. Cette internalisation du discours a créé un traumatisme dans la psyché du colonisé, car les gens colonisés ont développé une haine de soi (Fanon, 88). Aussi, il y a un traumatisme dans la société parce qu’il y a une histoire de la violence et un effacement de la culture d’origine. Ce traumatisme est apparent dans la littérature francophone. Les auteurs francophones expriment le traumatisme colonial dans leurs romans ou leurs écritures, et ce traumatisme est apparent dans la structure et les thèmes de leurs récits.
Un aspect ou le traumatisme est évident est dans la structure de ces romans, avec la temporalité. Dans ces trois romans, la temporalité est fracturée. Comme nous l’avons déjà dit, les histoires dans Ru ne sont pas organisées chronologiquement. Il y a un sens de désorganisation et un manque de continuité. Dans Texaco, il y a beaucoup de retours en arrière parce que la narratrice raconte les histoires qui ont eu lieu dans le passé. Le personnage du Christ a des commentaires qui sont éparpillés à travers de roman, pendant que la narratrice raconte des histoires. Donc il y a un va-et-vient entre passé et présent. Tous ces éléments signifient une absence de linéarité. Dans L’enfant de sable, l’histoire est fracturée parce que cette histoire est composée d’autres petites histoires. En plus, il y a beaucoup de fins différentes à l’histoire à cause des multiples conteurs différents, donc il y a une grande polyphonie narrative. Dans les sociétés colonisées, la mémoire est souvent fracturée. Quand un pays est colonisé, c’est comme si les temps s’arrêtaient parce que le pays ne peut pas se développer ou faire des progrès de façon autonome. La signification de cette fragmentation est élucidée dans un article par Jenny M. James:
“ Writing of the aesthetic of fragmentation, Linda Nochlin suggests in The Body in Pieces: The Fragment as a Metaphor of Modernity (1994) that ‘compositional cropping and corporeal fragmentation are formal avenues into considering the implications of the ‘metaphysical fragmentation’ of modern life— ‘a loss of wholeness, a shattering of connection, a destruction or disintegration of permanent value’’’ (James, 49).
La perte de complétude et la destruction de valeurs permanentes sont liées aux effets du colonialisme. La perte de pouvoir et la perte de valeurs culturelles dans une société coloniale cause un sens de fragmentation identitaire, qui est liée au traumatisme collectif. Le traumatisme collectif du colonialisme a créé une rupture dans les sociétés, et la temporalité fracturée dans ces romans fait écho à cette grande rupture sociale. Il y a donc un “avant” et “après” le colonialisme.
Un aspect important de la littérature postcoloniale est la réappropriation des origines culturelles, et l’enracinement. La réappropriation et la légitimation de l’identité culturelle est un concept qui est clairement apparent dans la littérature francophone. Un élément littéraire qui essaie d’affirmer la culture des colonisés est l’utilisation de voix polyphoniques. La polyphonie dans l’écriture veut dire que l’écriture incorpore plusieurs voix narratives différentes. La polyphonie est un élément qui est présent dans Ru, Texaco, et L’enfant de sable. Dans Ru, Thúy incorpore les témoignages ou les histoires des autres personnes vietnamiennes. La polyphonie est similaire dans Texaco, parce que la narratrice raconte les histoires d’autres personnes et elle incorpore aussi les points de vue des autres personnages. Le but de raconter ces histoires est de partager l’histoire de la Martinique et des luttes des gens créoles contre leurs oppresseurs français. Dans L’enfant de sable, la structure polyphonique est claire parce qu’il y a plusieurs conteurs ou narrateurs dans l’histoire. La perspective de l’histoire change à travers le roman. Cela est lié à la culture arabe, et l’importance de la narration orale pour les contes. Dans tous ces romans, la polyphonie sert comme une méthode pour exprimer la mémoire collective. En utilisant des points de vue différents, les auteurs de ces romans établissent un dialogue entre leurs cultures et leurs histoires. Ils ont l’opportunité d’écrire leur propre histoire dans leurs mots propres, même s’ils utilisent le français qui est la langue de la colonisation. En pensant à l’histoire coloniale, les colonisés n’avaient pas cette liberté d’expression. La polyphonie dans ces romans affirme la culture des colonisés mais montre aussi leur résilience et leur autonomie face à l’oppression. La tentative de s’affirmer et de se réapproprier leur propre culture par la littérature est une réponse au traumatisme colonial.
Le traumatisme colonial a eu des effets graves sur l’identité des colonisés, parce que la culture du colonisateur étranger a été forcée sur eux. Leurs identités et leurs cultures étaient considérées comme inférieures et dévalorisées. Avant le colonialisme, les colonies avaient une identité et une culture très solides. Mais après le colonialisme, l’identité est devenue nébuleuse et fragilisée. Pour les humains, l’identité est ce que nous enracine. L’enracinement et la fondation d’une identité solide sont importants pour la perception de soi. Les gens des anciennes colonies, ou de territoires modernes doivent s’enraciner à nouveau en réaction au traumatisme colonial. L’histoire coloniale a créé une hybridité culturelle ou identitaire dans ces pays. Les cultures qui ont été colonisées sont constituées de plein de syncrétismes, ou de mélanges des autres religions, des cultures, ou des langues. Bien que ces cultures soient composées de mélanges, elles occupent un troisième espace. En général, les classifications dans une société sont composées de dualités. Le genre ou la race sont des exemples de dualités. Bien qu’il y ait plus de classifications du genre ou de la race, en général les gens pensent de manière binaire. On est un homme ou une femme, ou encore, on est noir ou blanc. Ces dualités occupent un premier et deuxième espace qui s’opposent. Quelquefois, ces deux espaces se mélangent, et ils créent un troisième espace unique. Bien que ce qui occupe le troisième espace soit un mélange de ce qui occupe les premiers et deuxièmes espaces, ce qui occupe le troisième espace est complètement différent des autres (“Third Space Theory”; Wolf, Michaela 130-35). Dans la littérature francophone, on peut voir une hybridité des identités qui correspond à cette théorie.
L'histoire de Kim Thúy dans Ru montre l’hybridité identitaire et le besoin de devenir enraciné. Thúy, qui est réfugiée, est entre deux mondes. Elle est entre le monde vietnamien et canadien. Aussi, elle est entre deux langues, le français et le vietnamien. Il y a une tension entre les deux identités. Thúy se sent divisée. Par exemple, dans un chapitre, Thúy discute le fait qu’elle a changé son nom quand elle est arrivée à Montréal. Au Vietnam, elle était née Nguyễn An Tịnh. Quand elle est arrivée à Montréal, la mère de Thúy a décidé de changer leurs noms. En parlant de cela, Thúy dit que, “Elle [sa mère] a aussi dépouillé nos noms de leur sens, les réduisant à des sons à la fois étrangers et étranges dans la langue française” (Thúy, 12). Le mot “dépouillé” évoque un sens de violence extrême. Le changement de son nom lui a enlevé de l’importance culturelle. En effet cet événement est violent psychologiquement, parce qu’elle rend son existence plus facile pour les gens canadiens-français. Maintenant, Thúy habite dans un pays dont la langue est celle du colonisateur français, qui ont colonisé l’Indochine- même si bien sûr, le Québec n’a jamais colonisé aucun pays. En cela, il existe une fissure dans la psyché du colonisé. L’essai Peau noire, masques blancs par Frantz Fanon explique ce concept vis-à-vis du colonialisme. Il y a un concept en philosophie qui est appelé “l'être pour l’autre” (Fanon, 88). Fanon dit que les gens colonisés vivent et se comportent pour le colonisateur (Fanon, 89). Leurs existences sont rendues pour “l’autre, afin d’apaiser le colonisateur” (Fanon, 89). En dépit de cela, les colonisés gardent leurs origines dans leur inconscient. Dans ce cas, un “double conscient” est créé ; l’identité est divisée (Fanon, 123-124). En parlant de Thúy, elle a un conscient vietnamien qu’elle doit réprimer afin qu’elle puisse être “québécoise.” De plus, elle est déracinée. Cela veut dire que psychologiquement, Thúy est duelle.
En dépit de cela, à la fin de Ru, Thúy devient enracinée parce qu’il y a une réconciliation de ses deux identités. À la fin de Ru, elle dit que son “point d’ancrage” devient sa famille. Elle raconte la fois où elle a accueilli son mari, Guillaume, à l’aéroport de Hanoi. Bien qu’elle ait été dans son pays maternel, elle avait le mal du pays de sa famille à Montréal. Elle raconte que quand elle a rencontré Guillaume, elle a senti le détergent de “Bounce” dans son tee-shirt, puis elle s’est mise à pleurer (Thúy, 170). L’odeur du “Bounce” a donné à Thúy son “premier mal du pays” (Thúy, 171). Cela veut dire que sa famille à Montréal est devenue son nouveau pays. À la fin du roman, Thúy conclut que “[u]n pays n’est plus un lieu, mais une berceuse” (Thúy, 214). Ce passage donne plus de signification au titre puisqu’en vietnamien, “ru” veut dire “berceuse” et en français, “ru” veut dire “un petit ruisseau” (Thúy, 7). Ce roman coule comme un ruisseau, parce qu’il montre les espoirs et les désespoirs dans la vie. Ru montre le flux de la vie, et aussi de l’identité. Cependant, à la fin, la définition en vietnamien de “ru” a du sens. Pour Thúy, son pays représenté de Montréal devient un “ru” ou une berceuse. Montréal évoque le confort et le sens d’une connexion. En effet, Thúy devient enracinée. Son identité et son pays deviennent plus clairs et plus concrets. Thúy s’enracine et elle arrive à une réconciliation entre ses deux identités.
Elle s’est rendu compte qu’elle ne devait pas choisir une identité ; elle peut être vietnamienne mais canadienne aussi. La transformation de Thúy montre que l’identité n’est pas stagnante. En effet, l'identité change pendant la vie. Cette idée existe depuis longtemps dans la philosophie, notablement avec Michel de Montaigne. Ce qui est essentiel dans les idées de Montaigne est le fait qu’on peut changer leur identité, et on est toujours en train de changer (Montaigne, 804-817). Dans son essai qui s’appelle «Du Repentir» un extrait important qui reflète cette idée est «Je peints le passage : non un passage d'âge en autre, ou, comme dict le peuple, de sept en sept ans, mais de jour en jour, de minute en minute» (Montaigne, 805). Donc cet extrait montre que les gens sont toujours en train d’évoluer parmi le passage de temps. Cette notion est exemplifiée dans l’histoire de Thuy, parce que son identité transforme. À la fin du roman, Thúy incarne le syncrétisme culturel et linguistique. Thúy est donc un mélange de deux cultures qui se révèlent par opposition ou par contrastes.
Texaco incarne le concept de syncrétisme culturel. C’est une déclaration de l’identité créole, et on peut le voir dans la forme du texte, parce que celui-ci est créolisé. Le mouvement de créolisation est une révolte intellectuelle contre la France, parce que la créolisation légitimise la langue créole comme une propre langue (Badiane, 837-839). En général, le mot “créole” a une connotation linguistique. En fait, un créole est une catégorie de langue ; c’est une langue qui est un mélange issu du contact de plusieurs langues. Beaucoup de langues créoles sont des produits de l’esclavage ou de la colonisation (Mufwene). Souvent, il y a eu un traumatisme qui a créé ces langues. Cependant, le mot “créole” symbolise plus que la langue. Être créole est avoir une identité hybride. En pensant à la Martinique, les gens créoles ne sont ni africains ni français. Mais, leurs racines viennent de la France et de l’Afrique. La créole est donc une forme d’hybridité, de métissage linguistiques et culturels.
Un symbole de la culture créole dans Texaco est le personnage de Christ, qui est l’urbaniste. Au début, Christ est un personnage de mauvais augure et il est comme un “anti-christ.” Par exemple, Marie-Sophie dit qu’elle sentait que Christ “était l’un des cavaliers de notre apocalypse” (Chamoiseau, 39). Cependant, à la fin du livre il devient le sauveur de la ville. Marie-Sophie explique que c’est la raison pour laquelle il est nommé Christ (Chamoiseau, 486). Autrement dit, au commencement, Christ incarnel’En-Ville, qui représente la culture et les idées françaises. À la fin, il comprend l’importance de la ville créole de quartier Texaco. Il faut se souvenir que Christ était la personne qui avait l’intention de raser le quartier de Texaco. Au commencement du roman, Christ incarne les malheurs de l’En-Ville. L'arrivée de Christ apporte de mauvaises choses aux gens de Texaco (Chamoiseau, 19-40). Par exemple, Iréné, qui est un pêcheur, attrape un requin qui ressemble au diable (Chamoiseau, 24-25). Les gens du quartier se rendent compte qu’ils auront une “bataille” avec l’En-Ville. Dans le premier chapitre, il y a beaucoup d’images bibliques. Ce chapitre s’appelle “Annonciation” (Chamoiseau, 17). Un résidant de Texaco, qui s’appelle Julot-la-Gale, jette une pierre à la tête du Christ. C’est une référence à la Bible, quand Jésus Christ est abusé avant sa crucifixion (Marc 15 :16-32). Quand Christ est amené à Marie-Sophie, elle le décrit comme “le coiffant d’une couronne d’épines” (Chamoiseau, 41). Une couronne d’épines est une référence directe à la Bible et à la crucifixion de Jésus Christ (Jean, 19). Bien que Christ soit “crucifié” au commencement du livre, il devient réincarné parce que Marie-Sophie lui raconte l’histoire du quartier de Texaco. En fait, Christ devient le sauveur, ou le vrai Christ, parce qu’il utilise son pouvoir à la mairie afin de sauver le quartier et d’en améliorer les conditions (Chamoiseau, 483-490).
Tout au long du roman, on voit les notes et les essais de Christ. Ils sont dispersés à travers le roman, et ils ressemblent aux versets de la Bible. Un de ces “versets” dit : “Rayer Texaco...reviendrait à amputer la ville d’une part de son futur et, surtout, de cette richesse irremplaçable que demeure la mémoire” (Chamoiseau, 462). En disant cela, il est clair que Christ se rend compte de l’importance de Texaco. Selon lui, ce quartier représente le futur de l’héritage créole, et aussi la mémoire collective de la Martinique. En disant que Texaco “demeure la mémoire,” cela veut dire que Texaco donne permanence à la mémoire collective. À Texaco l’histoire est vivante, et la ville est toujours en train d’évoluer, comme les identités.
La transformation de Christ est symbolique du syncrétisme dans la société créole martiniquaise, parce que Christ est un exemple du mélange des idées et des cultures. D’une part, Christ est influencé par les idéaux français et la modernité. D’autre part, il est ému quand il apprend ses racines africaines. Cela symbolise la tension entre la tradition et la modernité, parce que Christ est aussi influencé par ses origines ainsi que son travail dans l’En-Ville. Il est un syncrétisme vivant ; il est influencé par ses racines africaines et françaises. Cependant, il n’est ni africain ni français, il est créole. Bien qu’il travaille En-Ville à la mairie, il protège les gens du quartier. Ses valeurs sont un mélange de ses deux origines différentes, qui produisent une troisième identité. Cette troisième identité est une réconciliation des identités différentes, et aussi la transformation de Christ représente l’évolution de l’identité.
Comme Texaco et comme Ru, L’enfant de sable présente la même tension entre deux identités. Ahmed n’est ni un homme ni une femme, et son genre change à travers l’histoire. Selon Ahmed, son genre est à la fois une prison et la liberté. Il dit : “Ma condition...elle permet d’avoir les privilèges. Elle m’ouvre des portes et j’aime cela même si elle s'enferme ensuite dans une cage de vitres” (Jelloun, 50). Il est un homme, donc il a des privilèges dans la société. C’est la raison pour laquelle il continue à vivre comme un homme. Cependant, il se sent emprisonné par son corps et son rôle dans la société marocaine. Ahmed ne sait pas qui il est, mais il doit suivre le parcours qui avait été choisi par son père. La relation entre Ahmed et son corps est la source de son manque d’autonomie. La confusion identitaire d’Ahmed est due à son corps. Son corps a une forme féminine, quelque chose qui trahit son identité masculine. Son identité est toujours en mouvance, donc il ne sait pas qui il est et qui est l’autre. Dans son corps il est lui et l’autre en même temps, parce qu’il a un genre androgyne. En fait, il ne peut pas vraiment se reconnaître lui-même, parce qu’il n’a pas une identité solide. Il veut échapper à son corps, et pendant la nuit, il imagine qu’il est une autre personne. Il dit: “Je sombre doucement dans le corps ouvert de l’autre” (Jelloun, 57). Le désir d’être quelqu’un d’autre cause l’isolement d’Ahmed. Il aime sa solitude, parce qu’il est difficile d’interagir avec les autres puisque Ahmed ne peut pas révéler son identité. Il se confine volontairement, pour ne pas vivre dans la réalité, avec la pression de regard des autres.
Pour Ahmed, la seule méthode pour chercher son propre destin est d’errer. Il ne peut pas vraiment participer dans la société. Il doit chercher son identité, mais aussi il veut oublier le passé. Quand il trouve le cirque, c’est la première fois ou Ahmed peut vivre comme lui-même. Il peut montrer sa vraie identité, et il a la chance de se nommer lui-même. C’est comme une renaissance. Quand il devient Zahra, c’est la première fois qu’il montre sa propre autonomie. Aussi, Zahra trouve la joie et une rupture avec le passé. À propos de Zahra, le conteur dit que “son corps trouvait une joie et un bonheur...notre personne avançait dans la reconquête de son être” (Jelloun, 126). En devenant femme, Zahra peut guérir du traumatisme de son genre. Son corps devient le sien, et il a là l’opportunité d’actualiser sa propre volonté.
La structure de ce roman et l’histoire de Zahra/Ahmed sont peut-être liées à la littérature maghrébine. Après la décolonisation du Maghreb, les écrivains devaient trouver leur identité dans la littérature. Historiquement, les auteurs maghrébins ont fait face à un énorme dilemme. Devraient-ils écrire en français ou en arabe ? C’est un exemple de la difficulté de l’hybridité identitaire. Un article sur L’enfant de Sable, écrit par Odile Cazenave, a commenté cette question:
Until very recently, Maghrebin authors writing in French were traumatized since, on the one hand, they denied their true identity[...]Through this novel, Tahar Ben Jelloun makes us aware of the hesitations and fears writers experience when writing in a foreign language. But it further shows a will to claim an identity and a status for Maghrebin literature of French expression (Cazenave, 450).
Il est possible que l’histoire de Zahra/Ahmed représente le choix des auteurs maghrébins. Avec l’utilisation de la langue française, les auteurs réclament leur identité comme maghrébine. Ils se réapproprient la langue du colonisateur afin de produire la littérature qui reflète leurs cultures et leurs expériences. Le traumatisme d’Ahmed/Zahra pourrait être représentatif du traumatisme de l’expérience coloniale (Saunders, 140-160).
Le traumatisme colonial est évident dans la littérature francophone que nous avons étudiée ici. Dans Ru, Texaco, et L’enfant de sable, qui sont des ouvrages littéraires très différents, il y a des similarités dans leurs structures et leurs formes. Les trois romans contiennent des fracturations temporelles, de la polyphonie, et ils expriment l’hybridité identitaire. Les éléments similaires dans ces trois romans sont un indicateur du traumatisme colonial. Ces fractures temporelles dans la littérature indiquent le progrès qui a été arrêté pendant la période coloniale. La polyphonie représente la tentative de se réapproprier l’autonomie et d’exprimer sa propre histoire. L’hybridité identitaire représente les effets du colonialisme sur la culture et les identités du peuple d’un pays qui a été colonisé. Il faut se demander quel sera le futur de la littérature francophone postcoloniale ? Est-ce que ces éléments communs de la littérature resteront, ou est-ce qu’il y aura un changement dans les éléments qui composent la littérature francophone ? La littérature évolue constamment, donc seul le temps nous dira ce que nous réserve le futur de la littérature francophone, mais la blessure du colonialisme aura toujours un effet sur les anciennes colonies, comme sur les territoires encore colonisés.